Il est incontestablement un des plus grands sportifs béninois de l’histoire. Georges Bocco, c’est l’histoire d’un enfant qui voulait marcher dans les pas de son père, ancien boxeur. Au final, il est 11 fois champion d’Afrique de boxe dans la catégorie des super-légers (-72 kg). Il parle de sa carrière et de sa vie après la boxe, aujourd’hui à 62 ans. Il a aussi un message important pour les dirigeants du sport béninois.
Le Champion : comment votre histoire a commencé avec la boxe ?
Georges Bocco : mon père Charles Bocco, fut champion du Dahomey. C’est un héritage pour moi, un héritage transmis par mon père. On était une fraterie d’une quinzaine d’enfants avec cinq garçons. Mais je suis le seul à avoir reçu le don pour la boxe de la part de mon père. J’ai commencé la boxe à 7 ans.
Le Champion : vous avez été formé dès le bas âge par votre père. Quel est le plus enseignement qu’il vous a donné ?
Georges Bocco : c’est avant tout la rigueur, dès le bas âge. Chaque matin, on devait se réveiller à 5h du matin. Et quand ce n’était pas le cas, il venait me réveiller avec la chicotte. Et ensuite on devait s’entraîner dur. J’ai fait mon premier combat professionnel à 18 ans.
Le Champion : quand vous aviez commencez la boxe, quel était le regard de votre entourage immédiat. Qu’est-ce que les gens disaient de vous ?
Georges Bocco : il faut dire qu’à cette époque à Batito où j’ai grandi, c’était une terre de boxe. Tout le monde dans le quartier pratiquait la boxe, filles comme garçons. Donc j’étais un peu devenu une star dans le quartier. J’étais également une terreur car tout le monde connaissait ma force de frappe. Ma première compétition hors du pays, c’était pour les jeux militaires en Côte d’Ivoire. J’y ai décroché une médaille d’argent. J’étais le seul civile à avoir participé à la compétition.
Le Champion : durant votre carrière, vous étiez reconnu comme le roi des K.O. Aviez-vous un secret, une manière particulière de vous préparer pour les combats ?
Georges Bocco : d’abord j’ai été surnommé le roi des K.O pour la première fois par un arbitre du nom de Stéphane Do Rego. Pour moi, c’est le travail, il n’y a pas d’autre secret en particulier. C’est l’entraînement. Le sac de boxe qu’on utilisait à l’époque était très dur. Si bien que ça renforçait la puissance au niveau des poings. Donc durant les combats, c’était un avantage certain. L’adversaire sentait vraiment le coup passer (rires).
Le Champion : Nous sommes dans un pays où les gens parlent souvent de gris-gris, est-ce que Georges Boko, a utilisé une fois quelque chose du genre ?
Georges Bocco : non, pas du tout. Les gens disaient pareil à propos de mon père. Il leur a toujours répondu que c’est le travail qui paye. D’autres boxeurs comme Soweto (Aristide Sagbo ndlr) et Nazaire Padonou se sont entraînés avec nous. Résultat, ils ont été de grands champions également. Ça ne ment pas. Quand je montais sur un ring à l’époque, mon objectif était de mettre mon adversaire K.O directement. Je n’ai pas de temps à perdre.
Le Champion : Vous avez été 11 fois champion d’Afrique de votre catégorie. Après avoir conservé votre titre pour la 11e fois, vous avez définitivement gardé la ceinture avec vous. Qu’est-ce que ça fait de garder ce titre là à vie ?
Georges Bocco : c’est une grande fierté. Ça veut dire que tous les efforts que j’ai fait n’ont pas été vains. La boxe, c’est ce que j’ai appris depuis tout petit. Comme je l’avais dit, c’est l’héritage de mon père. Donc je suis fier d’avoir pu le perpétuer à travers cette ceinture. Ce titre de champion va me rester jusqu’à ma mort.
Le Champion : peut-on dire que vous avez joui de votre carrière de boxeur sur le plan financier ?
Georges Bocco : non, je n’ai pas gagné grand chose financièrement dans la boxe. J’ai les Jeux olympiques en de Los Angeles en 1984. J’ai atteint les 1/4 de finale. Au terme de cette compétition qu’on m’a donné 300$ (environs 170 milles francs CFA aujourd’hui). Mais au Bénin, je ne peux pas dire que je suis devenu riche grâce à la boxe. On recevait une forme de pension de 40 milles francs par mois destinés aux sportifs qui ont bien représenté le pays. C’était au temps du président Nicéphore Soglo (1996-2001). Mais dès la fin de son règne, ça s’est arrêté. Aujourd’hui, on est livré à nous-mêmes.
Le Champion : vous avez déclaré que votre plus grand regret était de n’avoir pas pu combattre pour un titre mondial. Est-ce que vous avez pu passer à autre chose entre-temps ?
Georges Bocco : oui, c’était un regret. Mais je ne peux rien y faire. On ne peut pas revenir en arrière. Donc à un moment donné, il faut passer à autre chose. J’ai déjà fait tout ce que je pouvais dans la boxe.
Georges Bocco : à part ce regret, en avez-vous d’autres dans la vie ?
Georges Bocco : ce qui me rend triste, c’est surtout le fait d’avoir été un si grand champion, d’avoir représenté le pays à l’international et de ne pas pouvoir en vivre décemment. Tous les suiveurs avertis de la boxe au Bénin savent ce que représente le nom de Georges Bocco. Mais malgré cela, je vis dans des conditions précaires. J’ai l’impression que le pays ne reconnaît pas à ma juste valeur.
Georges Bocco : après sa carrière de boxeur, que devient Georges Boko ?
Le Champion : la boxe est la seule chose que j’ai apprise dans ma vie. C’est ce que je fais depuis tout petit. Je ne sais faire rien d’autre à part la boxe. C’est à cause de ça que j’ai laissé l’école dès le CM2. Aujourd’hui, je ne fais rien alors que j’ai une famille à nourrir. J’avais pendant un moment un centre pour former les jeunes boxeurs. On a fait quelques compétitions mais le centre a dû fermer. J’ai eu des problèmes avec un avocat en vendant mes terrains. J’ai même fait trois ans de prison à cause de ça.
Le Champion : Georges Boko travaille t-il pas avec la Fédération béninoise de boxe ?
Non, et c’est dommage. Comme je l’avais dit, il y a eu d’autres champions dans la boxe après moi. Ces champions pour la plupart ont été formés par moi. Pourtant, on ne nous contacte pas, ne serait-ce que pour former la nouvelle génération. Avec notre expérience, on peut apporter quelque chose aux nouveaux boxeurs. On ne met pas les gens qu’il faut à la place qu’il faut. J’ai déjà eu à le dire publiquement. Sans nous les anciens, la boxe ne peut pas mieux aller. C’est vraiment malheureux.
Le Champion : Georges boko a combien de femmes ?
Georges Bocco : j’ai juste ma petite femme qui est à mes côtés et mes enfants. J’ai un fils qui est un homme maintenant et trois filles. C’est tout.
Le Champion : avez-vous des enfants qui sont également dans le monde de la boxe ? On connaît un, qui est dans la musique, Mutant Kokpémedji
Georges Bocco : Mutant a commencé par la boxe. Ensuite n’a pas voulu continuer à cause du manque de reconnaissance dans ce milieu. Il s’est donc tourné vers la musique et ça lui a bien match. Aujourd’hui il est au États-Unis. Il y a un de mes protégés qui est allé au Nigéria pour une compétition. À la fin, on lui a remis 300f pour rentrer chez lui. Depuis, j’ai décidé qu’aucun de mes enfants n’allait continuer dans la boxe.
Le Champion : Georges Boko a un appel a lancé à l’État béninois ?
Georges Bocco : Tout ce que je demande, c’est qu’on implique les anciens champions qui fait briller le Bénin. C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Je le dis pour la boxe comme pour le football ou un autre sport. Qu’on rappelle les icônes, qu’on les aide dans leur reconversion pour qu’ils apportent leur pierre à l’édifice. Sinon, il serait difficile d’imaginer un avenir radieux pour le sport béninois. C’est ce qui se fait dans les grandes nations de boxe. Ce serait bien que cela se fasse avant la fin du mandat du président.
Propos recueillis : Freddy Akpo
