Des années passées et même de nos jours, plusieurs transferts avortés au dernier moment à cause de problèmes décelés lors des visites médicales ne manquent pas. En quoi consistent-elles réellement ? Quelles sont les anomalies qui peuvent survenir ? Pourquoi, parfois, des joueurs refusés dans un club signent ensuite ailleurs sans que personne ne trouve rien à y redire ? Voici tant de questions que nous allons décrypter, dans ce nouveau numéro de notre rubrique LA MINUTE DU SPECIALISTE, avec notre spécialiste FIFA en Médecine du Football, Monsieur Jean-Jacques AKO, Kinésithérapeute et Responsable sanitaire du club de Loto-Popo SA.
LE CHAMPION : Dites-nous, Monsieur AKO, Qu’est qu’une visite médicale d’aptitude à la pratique du sport en général, et du football en particulier ?
Jean-Jacques AKO : La visite médicale d’aptitude à la pratique d’un sport est une panoplie d’examens médicaux faits chez un médecin, quel que soit l’âge, et à la demande du club qui recrute le sportif ou de la fédération du sport lors d’une compétition. L’examen est le même pour tout le monde, avec des particularités selon l’âge et le sexe. Il consiste en un interrogatoire effectué par le médecin, l’examen proprement dit : morphologie, examen du cœur et des vaisseaux, des poumons, les examens plus spécifiques du sport.
LE CHAMPION : Pourquoi la visite médicale ?
Jean-Jacques AKO : Elle permet : d’interroger le sportif sur son état de santé de l’informer des risques liés à son métier (le sport), de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre. L’examen permet de réduire les risques pour la santé en écartant momentanément ou définitivement les sujets porteurs d’affections organiques. En plus d’un examen clinique habituel complet et orienté, l’exploration s’adresse aux principales fonctions qui participent à l’exercice musculaire.
LE CHAMPION : Dans quel but doit-on effectuer une visite médicale ?
Jean-Jacques AKO : Le but premier de la visite médicale, c’est de savoir, en gros, si le sportif peut faire du sport, déjà pour sa santé. Il s’agit d’essayer de détecter toute anomalie qui pourrait engager le pronostic vital, des malformations cardiaques par exemple.
LE CHAMPION : Qui doit organiser la visite médicale ?
Jean-Jacques AKO : Lors du recrutement d’un nouveau joueur ou sportif, le club employeur doit organiser, en principe, une visite médicale auprès de la médecine du sport. Cette visite doit avoir lieu avant signature d’éventuel contrat, et ce sous la supervision ou le contrôle du responsable sanitaire dudit club.
LE CHAMPION : Comment est-ce que ça se déroule ?
Jean-Jacques AKO : Une visite médicale se déroule en plusieurs étapes. Il y a d’abord une discussion avec le joueur pour connaître ses antécédents. On l’examine pour voir s’il y a des cicatrices, des laxités (relâchement au niveau d’une articulation). On fait également des examens radiologiques entières du squelette ou tout au moins au niveau des structures anatomiques clés selon le type de sport. Ensuite, tous les joueurs doivent passer systématiquement un électrocardiogramme (ECG) au repos, une échographie cardiaque, une épreuve d’efforts et probablement par la MAPA (Mesure Ambulatoire de la Pression Artérielle) … A tout ceci, il faut ajouter les analyses biologiques (analyse de sang).
Et, c’est la même chose partout. Après, si on découvre quelque chose, on va prendre du temps pour l’explorer, puis établir un rapport du staff médical du club qui enfin, prendra des décisions sur le transfert ou non du joueur en question.
LE CHAMPION : Quand et à quelle fréquence effectuer la visite médicale ?
Jean-Jacques AKO : Les visites périodiques doivent avoir lieu avant le recrutement d’un nouveau joueur et tous les 2 ans au maximum avant participation à toute compétition organisée par la Confédération Africaine de Football (CAF).
LE CHAMPION : Quelles sont les anomalies les plus importantes à rechercher ?
Jean-Jacques AKO : Ce sont les anomalies cardiaques qui sont découvertes que lors des examens obligatoires à savoir électrocardiogramme au repos, échographie cardiaque et une épreuve d’efforts. Que vous soyez le plus grand club du continent africain ou simplement un petit club du Bénin, ce sont les mêmes à effectuer. Si on découvre au repos des anomalies électriques (avec l’ECG), on met le sportif sur le vélo. Si ces anomalies disparaissent à l’effort, c’est bon. Dans le cas contraire, on va plus loin dans l’examen. A l’échographie, on voit comment le cœur bat sur le plan morphologique. C’est là que c’est compliqué. Ces sportifs de haut niveau ont tous des cœurs hors-norme. La difficulté est de distinguer le hors-norme de l’anormal pathologique. Est-ce un cœur qui est juste costaud ou est-ce qu’il cache une anomalie, avec le risque de décompenser ? Pour savoir, on va jusqu’à l’IRM cardiaque.
LE CHAMPION : Qui prend la décision finale ?
Jean-Jacques AKO : Le choix est éclairé par le staff médical, à sa tête, le responsable sanitaire mais ce sont le président, le coach et le recruteur qui tranchent. On discute. Nous on dit « attention, ce joueur a tel problème, je ne vous garantis pas qu’il va pouvoir jouer tous les matchs ». Si c’est un joueur important, amené à être titulaire et payé cher, les dirigeants ne vont en général pas le prendre. Si c’est quelqu’un en appoint, pour être sur le banc et pas trop cher, peut-être que si quand même.
C’est pour cela qu’un joueur refusé dans un club peut être engagé par un autre juste après.
LE CHAMPION : Dans notre pays, comment se passent les visites médicales surtout en football ?
Jean-Jacques AKO : Sourire ! Il faut d’abord que les dirigeants dotent leur club d’un staff médical digne du nom, avec des professionnels de santé formés. La preuve, sur 36 clubs engagés dans la ligue pro, seuls 15 disposent d’un kinésithérapeute professionnel ; le reste ce sont des usurpateurs du titre de kiné. Soit c’est un aide-soignant, soit un infirmier qui se fait appeler kiné, soit un ancien joueur qui a raccroché ses crampons qui est devenu kinésithérapeute du jour au lendemain, aucune formation. Alors comment pourraient-ils l’importance de la visite médicale ! Sur ces 15 clubs qui disposent de kinésithérapeutes professionnels, à peine 3 ou 4 font une visite médicale en bonne et due forme, puisque la visite médicale ne se limite pas qu’aux bilans sanguins. La partie la plus importante d’une visite médicale, c’est surtout la partie cardiologique.
LE CHAMPION : Votre mot de fin !
Jean-Jacques AKO : La visite médicale est une étape incontournable avant signature d’un joueur dans un nouveau club ; et ce n’est pas toujours une formalité. Merci !!!